Peut-on contraindre un annuaire de supprimer les faux avis locaux ?

Les entreprises ne peuvent pas poursuivre un annuaire professionnel pour obtenir la suppression d’un faux avis diffamatoire ou négatif, estime la Cour suprême de Californie qui vient de statuer sur la question.

Un annuaire peut-il être contraint de supprimer les faux avis locaux ?

La décision de la Cour Suprême de Californie casse un jugement de la Cour d’Appel de Californie contre Yelp, en affirmant des règles qui protègent les plates-formes Internet de la responsabilité juridique sur les publications des utilisateurs.

Hier, la Cour a rendu une décision sur une affaire (gagnée en 1ère instance par Yelp, avant d’être condamné en appel) dans laquelle un cabinet d'avocats a intenté un procès, contre un client mécontent d'une autre entreprise, pour avoir publié et affiché des avis faussement négatifs.

Yelp n’était pas directement partie prenante à ce procès, mais quand un tribunal a pris attache avec le cabinet d'avocats, il a finalement introduit une ordonnance qui fait de Yelp, en plus du client mécontent auteur des avis négatifs, responsable de la suppression des avis offensants.

Yelp a alors soutenu que cette ordonnance violait les larges protections accordées par l'article 230 de la Loi US sur la décence des communications (Section 230 of the Communications Decency Act), mais les tribunaux inférieurs n'étaient pas d'accord, affirmant que l'ordonnance de renvoi ne menaçait pas directement la responsabilité de Yelp.

La Cour suprême a jugé cette interprétation de l'article 230 trop étroite, et a écrit que tenir Yelp à une norme différente parce qu'il n'a pas été désigné comme un défendeur était juste un rappel à la Loi.

Selon la Cour, un ordre de suppression comme celui contre Yelp pourrait “entraver et saper la viabilité d'une plate-forme en ligne”, et “la position unique des intermédiaires d'Internet a convaincu le Congrès d'épargner les rééditeurs du contenu en ligne... de ce genre de conflit devant les tribunaux”.

Le commentateur mécontent de Yelp est toujours légalement tenu de supprimer le faux avis local, en plus de payer des dommages-intérêts au cabinet d'avocats qui défend l'entreprise diffamée.

Yelp a exprimé sa joie suite à cette décision dans un billet de blog en date du 2 Juillet 2018, en disant:

Avec cette décision, les éditeurs en ligne en Californie peuvent être assurés qu'ils ne peuvent pas être légalement obligés de supprimer le discours des tiers qui entreprennent d’abuser du système juridique, et ceux d'entre nous qui utilisent de telles plates-formes pour s’exprimer ne peuvent pas non plus rester silencieux face à une telle tactique.

Bien sûr, Yelp n'a aucun intérêt à publier la diffamation (en question, ndlr), ce qui n'est pas utile pour les consommateurs, et nos conditions de service interdisent l'affichage de contenu diffamatoire.

Mais la diffamation est plus qu'une simple étiquette, et Yelp étudie les ordonnances du Tribunal pour s'assurer qu'elles sont valables et effectivement en faire une preuve que la diffamation a eu lieu, avant que Yelp ne supprime l’avis du commentateur.

Tout commentateur sur Yelp peut également supprimer l'un de ses propres avis.

D'après TheVerge, l'avocat représentant le cabinet d'avocats de l'entreprise diffamée a qualifié Yelp comme étant “une invitation à répandre des mensonges sur l'Internet sans conséquence.”

L’Associated Press rapporte que le cabinet d’avocats envisage un appel à la Cour suprême des États-Unis désormais.

Rappelons qu’en 2016, le Congrès US a adopté une loi pour empêcher les entreprises de supprimer les avis des clients.

Et le mois dernier, un utilisateur de Yelp a été condamné à la prison pour avoir publié des avis faussement négatifs qu'il a laissés en représailles.

Bref, ailleurs comme en France, les faux avis constituent un fléau que suit de près la DGCCRF qui dit avoir a recensé de nombreuses pratiques discutables sur les plate-forme d’avis en ligne :

Ainsi, certains gestionnaires d’avis suppriment tout ou partie des avis de consommateurs à tendance négative, au profit des avis plus positifs. Cette pratique répandue peut aller jusqu’à la suppression pure et simple de tout avis négatif.

D’autres gestionnaires d’avis publient de façon très rapide les avis positifs alors qu’ils diffèrent la publication des avis négatifs, ceci ayant pour conséquence de faire apparaître une majorité d’avis positifs parmi les plus récents.

Les enquêtes ont également démontré l’existence de faux avis rédigés par les professionnels, leur entourage ou même des prestataires spécialisés.

Ces sous-traitants, possèdent un savoir-faire (style rédactionnel, fausses identités) et des techniques informatiques permettant une certaine discrétion. Les faux avis sont alors déposés en grand nombre, sur des supports variés pour plus d’efficacité (sites d’avis, forums de discussion, réseaux sociaux, etc.).

Les différentes enquêtes ont mené la DGCCRF à sanctionner les pratiques déloyales en établissant des suites et procédures contentieuses et administratives à l’encontre de certains gestionnaires d’avis.
Dans notre cas d'espèce mentionné plus haut, est-ce à dire que les annuaires pros dont la base de données est hébergée hors de l'UE, notamment aux Etats-Unis, sont inattaquables pour toute demande de suppression d'avis négatif ?

Rappelons que le droit à l'oubli ne concerne pas les entreprises, mais uniquement les individus.