9 Questions-Réponses sur le Droit à l'oubli reconnu par la Cour de Justice Européenne

Cour de justice de l'Union Européenne

Conformément à la décision sur le "Droit à l'oubli"  prise par la Cour de justice de l'Union Européenne, toute personne peut désormais demander à Google de supprimer tout lien qu'elle jugerait préjudiciable pour elle.

Bien évidemment, comme je le rapportais dans mon post précédent sur le sujet, les demandes de suppression de liens n'ont pas tardé à attérir dans les boîtes emails de Google.

Mais, la question qui se pose maintenant est de savoir si Google est vraiment obligé de donner suite à toutes ces requêtes. A y regarder de près, Google conserve tout de même une bonne marge de manoeuvre.

D'où l'intérêt de ces questions-réponses de Marketing Land  pour mieux comprendre les contours de cette décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne.

1. Est-ce vrai que n'importe qui dans l'Union Européenne peut demander à ce que Google et les autres moteurs de recherche retire tous les liens le concernant ?

Non. Mais, tout le monde peut demander que des liens soient supprimés. Sans aucune garantie que ces liens soient réellement supprimés.

2. Comment envoyer une demande de suppression à Google ?

L'arrêt de la Cour dit simplement que les plaignants peuvent s'adresser directement à Google ou à tout autre moteur de recherche sans plus de détails. Et du fait que cette décision est sans précédent, il faut encore un peu de temps pour qu'un système soit mis en place pour la réception des demandes et leur traitement.

3. Le contenu est-il entièrement supprimé de Google et des autres moteurs de recherche pour toutes les requêtes ou tout juste pour le nom de la personne ?

Selon sa décision, la Cour constate que l'exploitant du moteur de recherche est, dans certaines conditions, obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne.

Ainsi, par exemple, si Mr Jean Dupontois a fait faillite et que des journaux en ligne ont écrit des articles sur ce sujet et que ces articles apparaissaient dans les résultats de recherche à chaque fois qu'on tapait le nom "Jean Dupontois" dans le champ de recherche, alors ces liens pourraient être supprimés.

Ce qui n'est pas clair, c'est est-ce que les moteurs de recherche doivent retirer les liens qui apparaissent quand on tape uniquement "Jean Dupontois" et aussi les liens qui s'affichent quand on recherche "Jean Dupontois a fait faillite". Un cas où le nom de la personne est complété avec d'autres mots lors de la recherche.

4. Qui décide de la suppression des liens ?

C'est au moteur de recherche que revient le droit de prendre la décision de supprimer un lien litigieux.

Il peut aussi décider que le plaignant n'est pas légitimement fondé à demander la suppression des liens qu'il jugerait préjudiciables. Et dans ce cas, il peut rejeter la demande de suppression de liens. Rien n'oblige donc Google ou tout autre moteur de recherche à accéder à toutes les demandes et de supprimer tous les liens dits "préjudiciables".

5. Si Google ou un moteur de recherche rejette une requête, le plaignant peut-il faire appel ?

Oui, en se tournant vers les autorités judiciaires de son pays. En effet, la Cour de Justice de l'Union Européenne précise que "Lorsque le responsable du traitement ne donne pas suite à ces demandes, la personne concernée peut saisir l’autorité de contrôle ou l’autorité judiciaire pour que celles-ci effectuent les vérifications nécessaires et ordonnent à ce responsable des mesures précises en conséquence".

Une citation qui atteste même qu'il n'y a aucune obligation pour Google et les autres moteurs de recherche à satisfaire toutes les demandes de suppression.

6. Est-ce que faire appel d'une décision de rejet auprès d'un tribunal peut être d'un secours ?

Non, pas vraiment. Car, dans sa décision, la Cour estime qu'une information ne pourra pas toujours être supprimée "s’il existe des raisons particulières, telles que le rôle joué par cette personne dans la vie publique, justifiant un intérêt prépondérant du public à avoir, dans le cadre d’une telle recherche, accès à ces informations".

Une fois de plus, tous les liens apparaissant lors de recherches sur les pages de résultats de Google, même pour des recherches associées au nom d'une personne, ne seront pas systématiquement supprimés parce qu'une personne en fait la demande.

7. Donc la Cour de Justice Européenne dit à la fois que tout individu a droit à l'oubli et le public internaute a le droit de trouver les informations concernant tout individu.

En effet, oui. Aussi bizarre que cela puisse paraître.

L'arrêt de la Cour semble plutôt donner un vrai poids au droit à l'oubli en le reconnaissant explicitement.

Mais, cette décision reconnaît que les personnes de l'Union Européenne bénéficient aussi d'un droit fondamental à accéder à toute information (droit à l'information) et la Cour déclare que "Cependant, dans la mesure où la suppression de liens de la liste de résultats pourrait, en fonction de l’information en cause, avoir des répercussions sur l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à l’information en question, la Cour constate qu’il y a lieu de rechercher un juste équilibre notamment entre cet intérêt et les droits fondamentaux de la personne concernée, en particulier le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection de données à caractère personnel.

La Cour suggère donc aux autorités judiciaires, qui pourraient être saisies en appel après rejet d'un moteur de recherche, de rechercher un juste milieu entre ces deux droits (droit à l'oubli et droit à l'information) lors de l'interprétation de cette décision de la Cour de Justice Européenne.

Donc, Google pourrait rejeter une grande majorité de demandes de droit à l'oubli afin d'obliger les requérants à se tourner vers les tribunaux qui trancheront dans le délai qui est le leur... Pendant ce temps, le nom du plaignant débouté par le moteur de recherche continuera d'être associé à des résultats de recherche "préjudiciables".

8. Est-ce qu'un lien supprimé par Google est automatiquement supprimé sur Bing ou Yahoo ?

Non. Il faut envoyer une demande individuellement à chaque moteur de recherche qui décidera de donner une suite ou de la rejeter. De plus, il faut que le moteur de recherche ait une présence (bureau) dans un pays de l'Union Européenne.

Si le moteur de recherche n'a aucun bureau dans l'Union Européenne, alors il pourra ignorer toutes les demandes de suppression de liens. Ce qui n'est pas le cas de tous les grands moteurs de recherche.

9. Si un lien est supprimé sur Google, l'est-il pour un pays en particulier ou pour tous les pays ?

Là encore, ce n'est pas vraiment clair. Avec Google, lorsqu'il recevra une requête pour la suppression d'un lien depuis un pays de l'Union Européenne, tout laisse à penser que Google pourrait supprimer le lien que dans la version Google du pays du requérant.

Par exemple, si une personne qui réside en France fait une telle demande, Google pourrait supprimer son lien pour ne plus qu'il apparaisse sur les pages de résultats de Google.fr. Ainsi, les internautes qui iraient utiliser Google.com pourraient voir le lien supprimé sur Google.fr.

Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en dehors des Etats-Unis, Google a toujours redirigé les utilisateurs de son moteur de recherche vers la version Google de leur pays.