Quand Google respecte le droit d'auteur européen à sa manière

Google se retrouve sous le feu des critiques après avoir annoncé, sans surprise, son refus de payer les éditeurs de news pour afficher des extraits de leur contenu dans ses résultats de recherche, comme l’exige désormais la Directive Copyright de Mars 2019, la nouvelle loi européenne sur le droit d'auteur et le droit voisin pour la presse.

Quand Google contourne la Directive Copyright EU par la Balise Meta Robots

Ainsi, contrairement à ce qu’exige le fameux Article 11 de la Directive Copyright qui instaure un droit voisin pour la presse du droit d’auteur, Google a annoncé qu'il ne paierait pas les éditeurs de presse européens pour le droit de montrer leur contenu sur Google Actualités.

Pour rappel, cette nouvelle loi française sur le droit d’auteur entrera en vigueur à la fin du mois d’Octobre prochain.

Et Google entend la "respecter" sans pour autant avoir à payer quoi que ce soit à qui que ce soit, comme il le confirme dans son post officiel :

Les utilisateurs font confiance à Google pour les aider à trouver des informations utiles et faisant autorité, à partir d'un large éventail de sources. Pour maintenir cette confiance, les résultats de recherche doivent être déterminés par la pertinence, et non par des partenariats commerciaux.

C'est pourquoi nous n'acceptons pas le paiement de quiconque pour être inclus dans les résultats de recherche.

Nous vendons des annonces, pas des résultats de recherche, et chaque annonce sur Google est clairement indiquée. C'est aussi pourquoi nous ne payons pas les éditeurs lorsque les gens cliquent sur leurs liens dans un résultat de recherche.

Opérer autrement réduirait le choix et la pertinence pour nos utilisateurs et entraînerait en fin de compte la perte de leur confiance dans nos services.

La France est le premier des 28 Etats membres de l'UE à mettre en œuvre la nouvelle directive, mais la loi est déjà en cours. Google a opté pour l'affichage de moins d'informations à ses utilisateurs, plutôt que de conclure des accords de licence avec des éditeurs européens.

Cela signifie que le géant américain de la technologie cessera d'inclure des extraits de reportages en France d'éditeurs européens, et ne fera que mettre les gros titres et les vignettes qui sont encore gratuits, comme l’indique le texte de la Directive Copyright.

Cela pourrait conduire à moins de trafic pour les sites d’actualités, mais les éditeurs sont toujours autorisés à décider combien ils aimeraient montrer sur Google Actualités - puisque que c'est gratuit.

Et Google de mettre en avant l’aide à la visibilité qu’il apporte gratuitement aux éditeurs de news :

Ce service, Google l’offre aux éditeurs gratuitement.

Cette approche est créatrice d’une valeur tangible pour les éditeurs. Rien qu’en Europe, Google est à l’origine de plus de 8 milliards de visites par mois sur les sites des éditeurs de presse, ce qui représente plus de 3.000 visites chaque seconde.

Les éditeurs peuvent ainsi attirer un nouveau public et augmenter leur chiffre d’affaires au moyen de la publicité et des abonnements.

Le cabinet d’études Deloitte a estimé que chaque clic renvoyé par Google vers les grands éditeurs de presse représentait un potentiel de revenus supplémentaires compris entre 4 et 6 centimes d’euro.


Et c’est là qu’intervient la Balise Meta Robots


Etonnamment, la veille de l'annonce de son refus de verser une quelconque dîme aux éditeurs de news pour afficher les extraits de leur contenu, Google a introduit une mise à jour de la Balise Meta Robots, en y incluant de nouveaux attributs.

Ainsi, désormais, la balise meta robots introduit de nouvelles options qui permettent à tout site Web ou de news de personnaliser la manière dont il veut que Google affiche ses extraits dans les résultats de Google Search, Discover et Google Actualités, ou tout autre produit ou service Google.

En permettant aux éditeurs de sites de personnaliser ces extraits, Google laisse le choix à tout site de lui indiquer s’il veut qu’il affiche ou pas des extraits de ses contenus.

Dorénavant, la taille maximum de la description (160 caractères, en moyenne) n’existe donc plus de facto et devient caduc avec les nouveaux attributs de la la Balise Meta Robots. Un snippet ou extrait texte peut avoir une longueur comprise entre zéro (donc rien du tout) jusqu’à, en principe, ce que décide d'autoriser l’éditeur.

A partir du moment où Google donne le contrôle de l’affichage de l’extrait aux éditeurs de news surtout, il considère donc qu’il n’a rien à payer pour ce qu’il n’a pas décidé de lui-même.

C’est ce qu’il a sous-entendu dans la version française de son post :
Les éditeurs ont toujours eu la possibilité de choisir s’ils voulaient ou non que leurs contenus soient accessibles via le moteur de recherche de Google ou sur Google Actualités.

Nous venons de mettre en place des réglages plus granulaires pour les webmasters grâce auxquels les éditeurs peuvent indiquer la quantité d’information qu’ils souhaitent voir apparaître sous forme d’aperçu dans les résultats de la recherche.

Les éditeurs du monde entier peuvent ainsi utiliser ces nouveaux réglages afin de choisir le type d’aperçu le mieux adapté pour attirer les internautes vers leur site.

Google a donc indiqué qu'il donne désormais aux webmasters plus de contrôle sur leurs extraits affichés dans les résultats de recherche.

Avec la Balise Meta Robots,  ils peuvent maintenant, non seulement décider s’ils veulent que Google affiche ou pas un extrait, mais aussi définir la longueur de l'extrait textuel, contrôler la quantité d'un extrait vidéo qui est montrée, et la taille d'une image à afficher dans l'extrait.

Entre temps, comme le montre le Tweet ci-dessous, Google Seach Console a envoyé une notification à des éditeurs français pour leur demander de choisir leur qualité (éditeur de presse ou pas) :



Voici ce que dit la notification de Google Search Console :

Les systèmes de Google ont désigné https://www.gossed.ie/ comme une publication de presse européenne, telle que définie par la directive européenne 2019/790 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

Dans le sillage d'une loi sur le droit d'auteur transposant cette directive en France, cette désignation supprime l'affichage d'extraits texte, d'aperçus vidéo et de vignettes d'images de votre propriété en France.

Si vous souhaitez que ces aperçus soient affichés dans les résultats de recherche de votre propriété, vous pouvez utiliser des balises HTML (Balise Meta Robots, NDLR) pour personnaliser la façon dont Google Search affiche votre contenu aux utilisateurs de recherche.

Alternativement, si vous estimez que cette désignation est incorrecte, vous pouvez la modifier comme décrit ci-dessous.

La décision de Google sape ainsi le point le plus important de la directive sur le droit d'auteur, qui était destiné à aider à rééquilibrer la relation entre les éditeurs et les moteurs de recherche.

Frustrant, c’était évident dès le début que quelque chose comme ça se produirait. Sans oublier la menace de Google de décider, s’il le fallait, la désactivation de Google Actualités France, comme il l’a fait en Espagne pour la version espagnole.

Comme on peut l’imaginer, la saga de la « taxe sur les liens » est cependant loin d'être terminée, car Google continuera probablement à l'ajuster afin qu'elle soit conforme à la mise en œuvre par chaque pays de l'UE de la directive sur le droit d'auteur.

Les États membres de l'UE ont jusqu'en 2021 pour intégrer la directive dans leurs lois nationales, mais les versions peuvent différer d'un pays à l'autre. Il est clair que Google envoie un message fort au reste des gouvernements européens pour qu'ils réfléchissent à la manière dont ils vont mettre à jour leurs lois nationales.